
Près de 15 000 téléphones de voyageurs ont été fouillés par les douanes américaines entre avril et juin 2025, un record ! En Chine, les autorités sont accusées d’installer des malwares sur les smartphones des étrangers lors du passage à la frontière… Ces contrôles font peser un risque d’espionnage numérique notamment sur les dirigeants de PME en voyages d’affaires. Suivez nos conseils à destination des cadres dirigeants (et des autres) pour éviter le cyber-espionnage …et les mauvaise surprises !
En début d’année, l’ONG Committee of Protect Journalists (CPJ) alertait sur les risques liés à l’application de la nouvelle politique de voyage et d’immigration américaine. « L’un des objectifs déclarés de l’administration Trump est de modifier en profondeur les politiques de voyage et d’immigration aux États-Unis. En conséquence, les agents de la douane et de la protection des frontières (CBP) examinent les documents de voyage des visiteurs avec une vigilance accrue ».
En mars, l’AFP rapportait qu’un scientifique français s’était vu refuser l’entrée aux États-Unis après que des agents de l’immigration US aient trouvé sur son téléphone des messages personnels critiquant l’administration Trump.
Les derniers chiffres de saisie des téléphones communiqués par la CBP traduisent cette nouvelle politique. En effet, près de 15 000 appareils ont été fouillés aux frontières entre avril et juin de cette année. Soit une hausse de près de 17 % par rapport au précédent sommet trimestriel atteint en 2022.
Si le passage aux douanes US constitue aujourd’hui une problématique pour les cadres dirigeants de PME en voyages d’affaires, il en va de même pour les professionnels qui se rendent dans l’empire du milieu.
Son petit nom de code est Massistant. Il a été identifié en juillet 2025 par des chercheurs en informatique de chez Lookout. Édité par l’entreprise Meiya Pico, ce malware permet d’extraire des données telles que la localisation GPS, les SMS, les images, les fichiers audio et les contacts des téléphones saisies lors d’un contrôle aux frontières. À noter cependant que l’utilisateur doit débloquer son téléphone pour que les autorités puissent installer le malware.
Meiya Pico collabore avec des forces de l’ordre chinoises et internationales, fournissant à la fois du matériel, des logiciels de surveillance et des formations. Ce n’est pas sans rappeler le logiciel espion Pegasus édité par la société Israélienne NSO (maintenant disparue) qui avait la particularité de ne pas avoir besoin qu’on lui transmette de code de déverrouillage.
Les personnes voyageant en Chine risquent ainsi de voir leurs données mobiles confidentielles et professionnelles interceptées dans le cadre de ces pratiques de surveillance. D’autant plus que depuis 2024, il n’est plus nécessaire pour les autorités chinoises d’avoir des mandats pour effectuer ces fouilles numériques. Le risque d’espionnage économique et industriel pour les entrepreneurs et dirigeants qui ont souvent des fournisseurs et des partenaires en Chine semble bien réel. Malheureusement, je rencontre encore dans mon activité de consultant cyber auprès de dirigeants de PME des cadres sans aucune préparation ni formation au risque cyber en voyage.
Dans son édition estivale, le Figaro sensibilisait ses lecteurs à l’espionnage économique dans son feuilleton « Des nids d’espions au cœur des entreprises ». Le quotient indiquait notamment que l’industrie étatique et para-étatique [prenait] des proportions considérables.
« Il faut moins d’une heure pour prouver à un PDG qu’on peut tout savoir de lui à partir du portable qu’il a laissé sur la table » enchaine un spécialiste. « Le téléphone est un formidable outil d’espionnage », rappelle Nicolas Lerner, Directeur Général de la DGSE.
En effet, il n’existe pas une application qui ne puisse faire l’objet d’une mesure de piégeage. Les grands groupes du CAC40 semblent mieux préparés au risque de cyber-espionnage lors de déplacements professionnels, notamment via une collaboration étroite avec les services du renseignement français. Mais de nombreuses PME françaises stratégiques semblent ignorer ou mal préparées à affronter cette nouvelle guerre économique.
Le passage aux douanes ne constitue pas le seul risque de sécurité des voyageurs professionnels. Des failles de sécurité dans le service de livraison premium de bagages porte-à-porte Airportr ont permis aux hackers d’accéder aux données des utilisateurs.
Des chercheurs de la société CyberX9 ont ainsi révélé que de simples failles sur le site web d’Airportr leur permettaient d’accéder à presque toutes les informations personnelles des utilisateurs, y compris leurs plans de voyage, voire d’obtenir des privilèges d’administrateur, ce qui aurait permis à un pirate de rediriger ou de voler des bagages en transit.
Voyons maintenant les recommandations pour vous aider à voyager en toute sécurité et limiter le risque d’espionnage numérique.
« Tout le monde n’a pas le même profil de risque », explique Molly Rose Freeman Cyr, membre du Security Lab d’Amnesty International. « Le statut légal d’une personne, les comptes de réseaux sociaux qu’elle utilise, les applications de messagerie qu’elle emploie, ainsi que le contenu de ses conversations » doivent tous être pris en compte dans l’évaluation des risques et les décisions à prendre lors du passage des frontières.
Si vous devez absolument vous rendre aux États-Unis, il peut être nécessaire de revoir la teneur de vos messages sur les réseaux sociaux. Voir éventuellement procéder à un petit nettoyage des propos récents les plus polémiques vis-à-vis de la politique américaine.
Gardez toujours en version papier vos documents de voyages (billets de vol, visa, etc…) ainsi que les coordonnées de votre service informatique et surtout, de votre cabinet d’avocats, en cas de contrôle qui tournerait mal.
En avril 2024, le Financial Times rapportant que la Commission européenne avait publié de nouvelles directives soulignant les risques accrus de surveillance lors de voyages aux États-Unis, dans un contexte de plusieurs scandales liés au traitement des personnes transitant par les frontières américaines. Parmi les solutions proposées, l’UE confirme fournir des « téléphones jetables » à ses hauts responsables, bien qu’elle nie que cette pratique soit liée à Trump.
Cette pratique peut naturellement être étendue à d’autres pays peu soucieux du respect de la vie privée et des correspondances comme la Chine. Dans ce cas également, un téléphone vierge ou secondaire pourrait être un bonne option. Attention cependant, car un téléphone dépourvu d’application pourrait éveiller les soupçons des autorités. Veillez par exemple à l’utiliser quelques jours avant votre départ pour qu’il y ait quelques données à partager avec les services des douanes.
Si l’utilisation d’un téléphone jetable n’est pas envisageable, alors veillez à ne pas utiliser votre numéro de téléphone français car celui-ci pourrait très facilement permettre aux autorités de retrouver nombre d’informations sur vous. L’acquisition d’une carte SIM du pays hôte est une option viable.
Si les smartphones font l’objet d’une attention particulière des agents des douanes, les ordinateurs et tablettes sont également concernés. Les chefs d’entreprise veilleront à travailler avec leur responsable informatique pour partir en voyage d’affaires avec un ordinateur à jour, mais dépourvu de clients lourds connectés aux systèmes de l’entreprise (L’application Microsoft Outlook par exemple…). Le dirigeant préférera se connecter aux applications professionnelles en ligne directement (mode SAAS comme M365) pour ne laisser aucune trace sur l’ordinateur ou l’iPad de voyage.
Des outils de communication chiffrés de bout-en-bout comme Signal ou Telegram pourront être utilisés lors des échanges avec la famille et les collaborateurs.
Les chambres d’hôtel sont partout dans le monde des cavernes d’Alibaba pour espions. « Vos téléphones, vos données, on pompe tout! » raconte un expert dans le dossier du figaro. Autre conseil, ne jamais dire au téléphone ni en présence d’un téléphone quoi que ce soit de compromettant. Les réseaux numériques sont truffés de traquenards. Il conviendra donc de n’emporter aucun matériel informatique ou de communication qui ne soit pas vierge à l’étranger et faire particulièrement attention aux différentes occasions d’être séparé sous divers prétextes de ses affaires.
Comme nous l’avons vu, les personnes voyageant pour affaires ne sont jamais à l’abri d’être la cible de cyberespionnage. Pour éviter de rentrer avec un malware sur son périphérique, les appareils pourront être pris en charge par le responsable informatique. Il ou elle veillera à formater l’intégralité des ordinateurs, smartphones et autres tablettes en vue d’un prochain voyage.
Les réseaux wi-fi d’hôtel sont également mal protégés. Ceux des magasins (Starbucks et autres) ne doivent pas être envisagés non plus. À la place, on pourra prévoir un galet 4G et une carte SIM + data que l’on aura acheté dans le pays d’accueil.
En rédigeant cet article, je me demande si celui-ci est à même de me créer des problèmes pour rentrer aux États-Unis… Et vous, avez-vous récemment voyagé aux États-Unis ou en Chine? Quelle est votre expérience ?